Cela était une grosse balourde qui faisait crotter son tichien par un coin de rue; une femme à pois, toute ronde et avec un chapeau de paille synthétique. Cela tenait une laisse au bout de laquelle s’exécutait le malpropre tichien saucisse, minuscule paquet de nerf qui faisait son petit tas.
Cela était un rouleau compresseur en ferraille et distrait qui asphaltait nonchalamment le carrefour où le susdit tichienchien faisait caca. Cela pétait de la boucane et se dirigeait selon le mauvais gré d’un conducteur syndiqué qui se serait bien tapé une grosse bière tablette plutôt que de se faire suer de la sorte.
Tout cela était, sous un calme soleil d’après-midi.
Catastrophe! La grosse madame n’eut pas le temps de faire « ouf !» que l’étourdie machine surgissait, rugissante, et écrabouillait le tichien en pleine action. La pauvre bête se retrouva instantanément rouleau-compressée de tout son long.
– Ciel! S’égosilla la bacaisse, mon tichien, mon fétichien l’est mort!
Bain de sang sur la voie publique dans lequel flotte un dogue bidimensionnel. Déjà la toutoune scandalisée prend à partie l’infortuné autant qu’étourdi chauffeur de machinerie lourde et le moleste à grands coups de sacoche dans la baboune ce qui fait jaillir de son nez un petit ruisseau de sang qui coagule lentement, comme ces passants qui cessent de passer et s’attroupent, curieux.
Mais bientôt la police vint et constata, constabula, ordonna, interdit, contraventionna, moralisa et arrêta le loustic ensanglanté ainsi que son camion, tout ceci dans le temps de le dire et — comme il se doit — avec des moustaches et des fusils.
La mama s’en alla, inconsolable. Son irremplaçable pitou fut bientôt substitué par quelque hamster ou poisson rouge.
Quant au macchabée canin imprimé dans la chaussée, des industriels peu scrupuleux le firent ramasser par leurs hommes, ainsi que tous les détritus de la cité, pour en faire, d’après quelque recette ultrasecrète, des saucisses à not-dogs.
[Cette histoire date de 1989. Une version alternative de ce texte faisait office de paroles (déclamées) pour la chanson Sans titre des tchigaboux.]