C’était un chiant froncé qui non seulement souillait les trottoirs de sa merde, mais qui, de surcroît pissait volontiers sur le flanc des voitures en stationnement. Zinzin son maître n’était pas spécialement froncé; ce chien, il l’avait eu pour pas cher, en importation, de chez le pète choppe.
Cet homme et ce chien vivaient ensemble comme deux vieux amis dans un trois-et-demi trop petit et trop cher.
Les samedis soirs, ils se rendaient au débit de boisson le plus proche prendre un verre.
– Salut, Zinzin! Qu’est-ce qu’on vous sert? lançait invariablement le patron de l’établissement à leur entrée.
Zinzin répondait toujours la même chose:
– Pour moi, ça va être une draft, et avec ça: un scotch pour le chien.
Le patron venait illico avec des verres pleins et s’en retournait presto à sa télé.
– Merde! Il m’a encore mis des glaçons, gémissait le chien, à toutes les fois c’est pareil!
Et là, Zinzin et son chien se tapaient dans leur soirée du samedi trente parties de trente et un et une douzaine de verres.
Des fois, aussi, ils restaient à la maison et regardaient le hockey à la télé, sans dire un seul mot de la soirée.
Ça faisait des années qu’ils cohabitaient ainsi, partageant le même espace, les mêmes couverts, le même lit.
Un beau matin, le chien de Zinzin se plaignit à celui-ci de maux de ventre; il ne semblait pas dans son assiette: le museau baveux et la queue molle. Une visite chez le docteur plus tard, il était frappé d’une cirrhose intraitable.
L’euthanasie fit le reste.
La semaine suivante, Zinzin se rendait au bar topless du quartier avec un flambant neuf de chiant froncé qui allait faire maugréer les voisins pour les dix ans à venir, les voisins avec de la merde canine collée sous leurs semelles.
[La première version de cette histoire date de 1989. Voilà qui ne nous rajeunis pas.]